L'Ostau dau país Marselhés
L'Ostau dau país Marselhés
La Provence, publié le 24 Octobre 2009 :
A Marseille, la foi occitane.
La scène se déroule un soir de 1996 au stade Vélodrome. Peu avant le coup d'envoi, les visiteurs lyonnais, tendance crânes rasés et idées étriquées, sortent une banderole qui sonnecomme un slogan nationaliste : "Provence: décadence". Tribune d'en face, chez le Winners, un groupe de supporters olympiens largement fréquenté par la jeunesse marseillaise d'origine maghrébine, la réplique est farouche : un immense tifo aux couleurs sang et or de la Provence.
Dans l'enceinte, un lycéen, Mathieu Castel, écarquille les yeux. Et frissonne : "J'ai été stupéfait de voir le stade se retrouver sous cette bannière, se rappelle-t-il, j'ai pensé qu'il fallait creuser ça...". Treize ans plus tard, Matieu Castel, devenu prof de provençal, reçoit dans son local basé à La Plaine. Un quartier du centre ville métissé et bouillonnant. Nomde son association : "L'Oustau dau pais marselhés".
Fonction : propager une culture que d'aucun croyait vouée à une extinction lente mais inexorable. Feu à volonté sur ce mauvais augure... "Il y existe désormais une vraie dynamique, se rengorge Mathieu Castel. On a fait passer l'idée qu'on n'est pas obligé de porter des habits folklos et de faire du tutu-panapan pour vivre cette culture. Non, on peut le faire en survêt de l'OM !".
La preuve : ses cours gratuits réunissent une population âgée en moyenne de 20 à 35 ans, d'origine diverses. "Afghane, algérienne, italienne...", énumère Mathieu Castel. "Dans le quartier, cette langue est devenue un ciment entre les gens", insiste-t-il. Pour trouver les racines de cet étonnant revival, il faut remonter au début des années 90 et à l'apparition du Massilia Sound System.
Sous leurs airs festifs, ces troubadours modernes se positionnent en pourfendeurs acharnés du centralisme jacobin. Ils seront premiers à oser mêler rythmes jamaïcains et textes en provençal sur un disque au titre sans équivoque: "Parla Patois". Une petite révolution résumée en un slogan fondateur : "L'arme est jamaïcaine, la cartouche est marseillaise". Dans cette brèche, allait s'engouffrer une foule de personnages et de lieux emblématiques. À l'instar du café-concert l'Intermédiaire, où tout une génération, celle qui tient la scène aujourd'hui, se formait aux rudiments de l'Occitan.
"Dans une époque de formatage et de globalisation, nous avons eu besoin d'une forme d'expression singulière", analyse le punk-occitan Sam Karpienia. "Marseille s'est toujours trouvée à l'étroit dans la culture française. Cette ville a besoin d'ouvertures", enchaîne l'écrivain Alessi Dell'Umbra, écrivain et fondateur de l'Ostau. Une ouverture musicale et philosophique qui a construit une nouvelle identité provençale. À mille lieux des replis identitaires.
"Dans notre logique, Nous nous situons au nord de la Méditerranée et pas au sud de la France, termine Mathieu Castel. Un positionnement gagnant. Au point que ce mouvement fait désormais "bouléguer" les foules à des dizaines de milliers de kilomètres de Marseille. Exagération marseillaise ? Que nenni : Sam Karpienia, ex-Dupain, vient d'envoûter le public taiwanais et jouera ce soir à la Fiesta des Suds.
Encore plus fort : Le Cor de La Plana, inventeur des polyphonies occitanes, enchaîne une tournée mondiale passant par Tokyo, Florence, Séville, Adelaïde... "On a même réussi à faire danser une farandole au public new-yorkais !", s'amuse Manu Barthélémy. L'une des voix portant haut une langue donnée pour morte et aujourd'hui ressuscitée.
Laurent D'Ancona
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